THÉÂTRE OCCIDENTAL - La scène

THÉÂTRE OCCIDENTAL - La scène
THÉÂTRE OCCIDENTAL - La scène

Pour l’historien du théâtre, le XXe siècle se confond avec l’âge d’or de la mise en scène. Elle est née dans les vingt dernières années du siècle précédent. En créant le Théâtre-Libre en mars 1887, André Antoine s’est promu premier metteur en scène moderne et a placé la mise en scène théâtrale au centre de toute problématique de la modernité. Il pouvait écrire en 1903: « La mise en scène est un art qui vient de naître. » Le metteur en scène a pris alors conscience d’exercer une fonction spécifique, capable d’émanciper l’art du théâtre à l’égard du texte, de la littérature, de l’auteur dont il diminuait l’emprise sur lui en mettant au premier plan le spectacle, le jeu, l’aspect visuel et dynamique.

À la même époque, travaillant sur la mise en scène de l’opéra wagnérien, le suisse Adolphe Appia venait d’esquisser une première théorie de la mise en scène, définie par lui comme « l’art de projeter dans l’espace ce que le dramaturge n’a pu concevoir que dans le temps ». Définition minimale et consensuelle que d’autres sont venues préciser ou nuancer. Par exemple, celle de Jacques Copeau, « ensemble des opérations techniques et artistiques grâce auxquelles l’ouvrage conçu par un auteur passe d’une vie spirituelle latente, celle du texte écrit, à une vie concrète et actuelle, celle de la scène ».

Plus tard, la théorie de la mise en scène a pris des formes de plus en plus radicales, voire cacophoniques. À partir du postulat selon lequel, « au-delà du texte, il y a quelque chose qui fait partie intégrante de l’art dramatique », les metteurs en scène les plus audacieux ont prétendu atteindre seuls un art dramatique en soi, une théâtralité spécifique. Ils ont revendiqué le statut de créateurs à part entière, à l’égal des géants de la peinture moderne. On aboutit ainsi à un clivage: d’un côté, ceux qui croient à une harmonie préétablie entre le texte et la mise en scène déjà inscrite virtuellement dans le texte et se veulent les serviteurs de celui-ci et du public (Copeau et le Cartel); de l’autre, la démesure des constructivistes russes, des expressionnistes allemands et, en France, la génération des années 1970, qui ont voulu considérer les grands textes comme de simples supports de leur propre création et la mise en scène comme une mise en crise du texte.

Dans le dispositif théâtral classique et dans le théâtre à l’italienne, sa forme accomplie, l’illusion scénique naît de l’échange qui a lieu entre deux espaces, la scène où joue l’acteur, la salle où le public regarde. Fondamentalement, la mise en scène est une mise en espace. Le metteur en scène coordonne l’ensemble des moyens d’interprétation scénique d’une œuvre dramatique: décoration, éclairage, musique et jeu des acteurs. Dans la plénitude de ses fonctions – de plus en plus rarement réalisée –, il administre un théâtre, dirige une troupe, monte les œuvres classiques ou modernes, consacrées ou inédites. Il y a ceux qui consacrent l’essentiel de leurs efforts à révéler le Tchekhov, le Giraudoux, le Claudel ou le Beckett de leur temps, ceux qui s’attachent d’abord à la formation et au jeu de l’acteur, ceux qui font équipe avec un décorateur, parce que la révolution de la mise en scène s’identifie d’abord pour eux à celle de la scénographie, stimulée par les progrès extraordinaires des techniques d’éclairage et de sonorisation, dont les prouesses sont inséparables des grandes réussites de la mise en scène contemporaine. Ainsi la mise en scène se révèle-t-elle « dans une pièce de théâtre la partie véritablement et spécifiquement théâtrale du théâtre », selon le mot d’Artaud.

Malgré la petite phrase de la Préface de L’Amour médecin : « Les pièces ne sont faites que pour être jouées », Molière n’était pas metteur en scène au sens moderne du terme. Lointains héritiers du conducteur de jeu des mystères, que l’on voit portant livre et baguette sur une miniature de Jean Fouquet, du « maître de revels » élisabéthain chargé de faire répéter les acteurs, les premiers metteurs en scène n’ont pas eu le sentiment de remplir une fonction spécifique. La réalisation scénique des œuvres dramatiques fut tout bonnement et pendant longtemps, jusqu’au début de notre siècle à la Comédie-Française, assurée tantôt par un acteur vedette, un ancien, tantôt par l’auteur, ou par le directeur, voire le décorateur. Il s’agissait surtout de faire répéter les acteurs, d’assurer la régie, de coordonner les personnels en respectant les préséances au nom des traditions. Les dénominations mêmes de mise en scène et de metteur en scène ont fait l’objet de critiques de la part de tous les réformateurs. Les Anglo-Saxons l’appellent d’ailleurs le directeur, les Allemands le régisseur. Mais douze ans de « régie » vilarienne au T.N.P. n’ont pas eu raison de la vieille dénomination. Elle dit assez bien ce qu’elle veut dire, après tout.

1. L’avènement du metteur en scène

La mise en scène réaliste

Premier metteur en scène moderne, André Antoine (1858-1943) a vu son œuvre confisquée par l’esthétique naturaliste. On a vite vu en lui le Zola de la mise en scène. Pourtant, dans ses premiers spectacles, il avait fait une place aux poètes, au théâtre en vers; L’Évasion de Villiers de L’Isle-Adam, Le Baiser de Théodore de Banville. Ce qui ne l’empêcha pas, dès la deuxième saison, de noter lui-même que « les naturalistes ont fourni le meilleur et le plus significatif de l’effort ». Le Théâtre-Libre devient alors synonyme de réalisme pour tout le monde et, pour ses ennemis, de vulgarité, d’obscénité, de socialisme, d’antipatriotisme. Il est vrai que son esthétique réaliste reste inséparable du mouvement naturaliste. Mais Antoine n’a pas réussi à décider Zola, son soutien inconditionnel, à créer pour lui la dramaturgie qui eût donné sens à son entreprise. Il dut se contenter de faire adapter pour la scène et par d’autres quelques romans de son chef de file.

Le Théâtre-Libre se consacra d’abord à la recherche d’auteurs nouveaux et se voulut théâtre de création. À chacun de ses programmes, un auteur célèbre pour épauler un inconnu. En vingt ans, au Théâtre-Libre et par la suite, Antoine a créé cent vingt-quatre pièces inédites, à raison de huit programmes par an. Il affirme par-là sa différence par rapport à ceux qui avaient pris une certaine avance sur lui pour la mise en scène, comme les Meininger allemands qu’il découvrit à Bruxelles en 1888 et la troupe de Henry Irving qu’il vit à Londres en 1889. Ceux-là mettaient leur révolution scénique au service du grand répertoire classique, Shakespeare en tête. Antoine se voulut, lui, le découvreur du théâtre de son temps. Toutes ses innovations de metteur en scène découlent de ce souci. Il s’agit de désencombrer la scène pour mieux rendre l’influence du milieu sur le personnage, de montrer l’homme dans l’histoire, l’individu dans la société, de créer un accord parfait entre l’acteur et le décor, seul propre à l’illusion scénique, d’inventer un nouveau type d’acteur, de faire jouer celui-ci dans son milieu comme s’il n’était pas vu. Antoine s’inspira de Wagner qui, dès 1875, avait plongé la salle dans le noir au lever du rideau, et il fut le premier à utiliser des réflecteurs électriques.

Par malheur, on l’a vu, Antoine n’a pas rencontré le dramaturge capable d’exprimer son époque, comme il le faisait, lui, par la mise en scène. Peu de chose a survécu du répertoire du Théâtre-Libre. Pour compenser sa défection, Zola avait conseillé à Antoine de se tourner vers le répertoire étranger contemporain. La Puissance des ténèbres de Tolstoï en 1888, Les Revenants et Le Canard sauvage d’Ibsen en 1890 et 1891, Mademoiselle Julie de Strindberg en 1893 et, pour finir, à la veille du dépôt de bilan, Les Tisserands de Hauptmann en 1893: telles furent les vraies victoires du Théâtre-Libre. Vaincu financièrement, Antoine avait fait école, des Théâtres-Libres s’étaient créés à travers le monde.

En 1898, onze ans après les débuts d’Antoine, Constantin Stanislavski (1863-1938) créait le Théâtre artistique de Moscou, à la suite d’un accord entre Nemirovitch-Dantchenko, Tchekhov et Stanislavski lui-même qui accepta de monter La Mouette malgré l’échec retentissant que cette pièce venait d’essuyer dans une première mise en scène à Saint-Pétersbourg. Le Théâtre artistique de Moscou devint aussitôt « La Maison de Tchekhov », et le duo que l’écrivain forma avec Stanislavki est resté emblématique, malgré le désaccord des deux hommes sur le sens, comique ou tragique, de l’œuvre tchékhovienne. Commence alors l’âge d’or du théâtre en Russie, devenu haut lieu du théâtre universel alors que ses premiers balbutiements remontent tout juste au début du XIXe siècle. Stanislavski a dominé la scène russe jusqu’à sa mort en 1938, s’adaptant tant bien que mal à tous les changements de régime. Peu à peu, le réalisme social de sa mise en scène a cédé le pas au réalisme psychologique du jeu de l’acteur. Il aborde les problèmes de société à travers l’itinéraire émotionnel des personnages. Il faut revivre et non seulement représenter. Le « système » stanislavskien de formation de l’acteur a fait florès dans le monde entier, devenant la base de toute mise en scène réaliste. Or Stanislavski n’a cessé d’évoluer et de se mettre en question. Après la Seconde Guerre mondiale, les spécialistes se passionnèrent pour le dernier élément du système, mis au point par le metteur en scène juste avant sa mort, alors qu’il travaillait à une mise en scène de Tartuffe . La méthode des « actions physiques simples » contraint l’acteur à analyser son rôle en fonction d’actions physiques élémentaires, puis à « construire » le personnage en allant du simple au complexe, du conscient au subconscient, de la personne au personnage. Plus encore que celle d’Antoine, l’esthétique de Stanislavski s’est identifiée au réalisme théâtral. Elle reparaît périodiquement au-delà des modes successives. Elle a même fait un retour en force quand le réalisme dialectique brechtien et le théâtre de la cruauté d’Artaud ont révélé leurs limites. Mais les dernières recherches de Stanislavski poussaient l’identification de l’acteur à son terme et eurent pour aboutissement aussi bien l’enseignement de l’Actor’s Studio de New York que la pratique du psychodrame.

La mise en scène symboliste

En France, l’esthétique du Théâtre-Libre ne tarda guère à provoquer une réaction parce qu’elle paraissait trop exclusivement liée à Zola et au naturalisme, étrangère à la modernité artistique et littéraire représentée par l’impressionnisme et le postimpressionnisme en peinture, le symbolisme en poésie. Le Théâtre-Libre battait déjà de l’aile en 1892 quand le jeune Paul Fort fonda le Théâtre d’art qu’Aurélien Lugné-Poe (1869-1940), ancien compagnon d’Antoine, changea en théâtre de l’Œuvre, à la suite de la création, en 1893, de Pelléas et Mélisande de Maeterlinck. L’Œuvre s’attacha à donner leur chance à l’art pur, à la poésie de l’imprécis, à la profondeur des symboles. À l’Ibsen naturaliste d’Antoine, Lugné-Poe opposa un Ibsen symboliste, noyé de brumes et de songes, que le dramaturge norvégien n’apprécia guère. L’Œuvre se réclamait d’une politique d’auteurs: outre Ibsen, Lugné-Poe créa en France les premières pièces de Maeterlinck, Verhaeren, Wilde, D’Annunzio, Synge. Surtout, il fut le premier à monter Ubu roi en 1896, L’Annonce faite à Marie en 1912. Politique de décorateurs aussi, puisqu’il fit appel aux peintres de la nouvelle école: Bonnard, Vuillard, Maxime Dethomas, Munch, Toulouse-Lautrec. Poursuivie jusqu’à la fin des années 1920, l’œuvre de Lugné-Poe, au travail rarement abouti et souvent éclectique, sans avoir jamais révolutionné l’art de la mise en scène, fut un des plus féconds de toute cette époque.

Appia et Craig

Les deux prophètes de la mise en scène moderne, inspirateurs de la grande révolution scénographique, le Suisse Adolphe Appia (1862-1928) et l’Anglais Gordon Craig (1872-1966), ont, pour des raisons diverses, créé eux-mêmes très peu de spectacles. D’où le côté radical de leurs thèses et la suspicion qui pèse sur eux, surtout sur Craig, d’avoir œuvré dans l’impossible en ignorant le réel. De ce fait, l’invitation faite à Craig, non sans provocation, de monter Hamlet à Moscou (1912), par Stanislavski, et la publication du petit livre de Jacques Rouché, L’Art théâtral moderne (1910), qui a fait connaître leurs idées en France, sont des événements importants. Bien des choses séparent Appia et Craig, mais tous les deux refusent l’illusionnisme, à commencer par celui que représente la mise en scène naturaliste d’Antoine. Mais ils contestent aussi bien le décor pictural de Lugné-Poe, puisque le décor peint cède sa place au décor spatial, la scène machinée à la scène architecturée. Le théâtre se joue dans un espace à trois dimensions qui exige que la scène soit une continuation architecturale de la salle, avec le souci de la matière, du matériau naturel, non pour faire vrai, mais pour accrocher la lumière, sculpter par elle le corps de l’acteur. La révolution scénographique tire les conséquences des extraordinaires progrès de l’éclairage électrique. Les escaliers, les terrasses, les praticables substitués aux coulisses et aux portants du théâtre à l’italienne n’ont pas d’autre utilité.

Dès lors, en même temps que l’événement « représentation » devient une fin absolue, porteuse de la théâtralité en soi, au détriment du texte et de l’œuvre, on tient la représentation, la reproduction du réel pour un anachronisme contraire à l’art. Mais, alors qu’Appia affirme clairement la primauté de l’acteur et sa présence centrale dans l’acte théâtral, Craig a semblé plus d’une fois prophétiser son remplacement par la fameuse surmarionnette, la primauté appartenant désormais au metteur en scène démiurge.

En vérité, Gordon Craig, qui a vécu jusqu’en 1966, n’a jamais été si dogmatique. Son rêve théâtral s’inscrivant entre celui d’un théâtre durable, au jeu invariable, au texte immuable, à l’architecture de marbre, éclairé aux chandelles ou à la lumière du jour, et celui d’un théâtre périssable, improvisé, pareil à un château de cartes orné de plumes, de poudre, de parfums. Surtout, il rappelait aux hommes de théâtre qu’ils ne devaient pas oublier que les textes de Shakespeare et de Molière étaient la richesse la plus précieuse du théâtre occidental. Et que, si une surmarionnette surgissait au milieu des acteurs, « c’est parce que personne n’aura pu l’empêcher de venir ».

On qualifie aujourd’hui les conceptions d’Appia et de Craig d’idéalistes, d’abord parce qu’elles sont antiréalistes, mais surtout parce qu’elles obéissent uniquement à des impératifs esthétiques, à l’exclusion de toute visée politique et sociale. De fait, leurs conceptions sont résolument conventionnelles et symboliques. Dans ses formulations les plus abruptes, Craig conteste bel et bien, au nom de la théâtralité du théâtre, la primauté du texte et celle de l’acteur tout autant que celle du décor peint.

Vers un théâtre du peuple

Le rêve d’un théâtre populaire fait obstacle aux conceptions de Craig et Appia. Paru en 1890, le livre de Romain Rolland, Le Théâtre du peuple , est devenu la bible des animateurs de théâtres russes quand ils ont voulu donner à la révolution soviétique un grand théâtre populaire. En Allemagne, Max Reinhardt (1873-1943) et Fuchs pratiquent, vers 1910, un théâtre de masse dans les cirques, les églises et sur les parvis des cathédrales, comme devait le faire en France Firmin Gémier (1869-1933) d’une manière moins radicale. Tous rêvent de faire sauter la boîte à l’italienne, de provoquer communion et participation, de voir déferler le public sur la scène. Maurice Pottecher, fondateur du Théâtre du peuple à Bussang dans les Vosges, apparaît comme un précurseur. Cette tendance aboutira aux gigantesques spectacles de masse (Intsenirovski ) comme La Prise du palais d’hiver montée sur le lieu même de l’action par Nikolaï Evreinov et ses six mille participants.

Ainsi confondu avec le théâtre de masse, le rêve de théâtre populaire évite difficilement le délire totalitaire, danger dont les animateurs de théâtre prendront conscience à mesure qu’ils analyseront les vraies données de la théâtralité, propre aussi bien aux procès staliniens de Moscou qu’aux fêtes nazies de Nuremberg dans les années 1930.

Le cas de Vsevolod Meyerhold (1874-1940) en ex-U.R.S.S. est exemplaire. Appelé par Stanislavski en 1905 à diriger le Théâtre-Studio, il se rallie inconditionnellement à la révolution en 1919. En 1922, il entre à la direction de Terevsat, théâtre d’agit-prop jouant dans les usines, les gares, les prisons, et sur les places. Le Terevsat se donne le double rôle d’entretenir la ferveur révolutionnaire, en préparant le public à la grande fête des Intsenirovka, et d’ouvrir la voie à un nouveau théâtre, où le théâtre populaire de rue et l’avant-garde feraient leur jonction. Nommé artiste du peuple, directeur d’un théâtre d’État, Meyerhold a marqué l’histoire du théâtre moderne de mises en scène légendaires: Le Cocu magnifique (1922), Le Revizor (1926), La Dame aux camélias (1934), La Dame de pique (1936). Accusé de formalisme, il disparaît dans les purges staliniennes en 1940.

À la même époque, dans l’Allemagne de Weimar, Erwin Piscator (1893-1966) prend ouvertement le parti d’un théâtre en armes prolétarien auquel il restera fidèle jusqu’au bout. On a affaire ici à un théâtre narratif, découpé en scènes autonomes, apte à transmettre un message politique, voire propagandiste, en forgeant ses propres outils d’une grande précision technique, par lesquels Piscator a collaboré activement à la dynamique de la scène moderne. Pour l’ensemble de ses pratiques, Piscator a choisi la dénomination de théâtre épique, reprise plus tard par Brecht, qui fut son collaborateur, avant de la remplacer par celle de théâtre dialectique.

Après la Seconde Guerre mondiale, le Brecht du Berliner Ensemble et le Vilar du T.N.P. devaient tirer des leçons différentes de ce mouvement qui, à travers Meyerhold et Piscator, liait la recherche d’une mise en scène rénovée à la quête d’un authentique théâtre populaire.

L’esthétique du Vieux-Colombier

Les recherches de Craig et d’Appia ont inauguré un véritable âge d’or, dont nous vivons peut-être les derniers prolongements. En effet, tous les mouvements du théâtre moderne – Vieux-Colombier, expressionnisme et constructivisme – doivent quelque chose à ces deux pionniers.

Jacques Copeau (1879-1949), cofondateur de La Nouvelle Revue française , tenu par ses pairs pour le génie visionnaire du groupe, découvrit en 1910 les recherches de Craig, d’Appia, mais aussi de Stanislavski, de Meyerhold et de Reinhardt, en lisant le livre de Jacques Rouché. Poussé par Gide et ses amis, il se lança alors dans l’aventure du Vieux-Colombier, dont les conséquences ont déterminé presque tout le cours du théâtre en France jusqu’à Vilar. Tout tient pourtant en une seule saison, 1913-1914, interrompue par la Première Guerre mondiale qui condamna Copeau au silence puis à l’exil: neuf spectacles, quatorze pièces en sept mois et, dans le nombre, quelques-unes devenues aussitôt emblématiques, telles que L’Amour médecin , L’Échange et La Nuit des rois , qui termina cette saison en apothéose. En 1920, la réouverture du Vieux-Colombier pour cinq ans ne retrouva pas le même état de grâce malgré le fameux dispositif fixe construit par Jouvet (1887-1951). La rupture avec Charles Dullin (1885-1949) en 1919, puis avec Jouvet en 1922, contribua à dissiper l’enchantement. Copeau s’intéressait de moins en moins à son théâtre, de plus en plus à son école et, à la faveur de sa conversion, au salut spirituel des comédiens. Dès le début, au nom d’une pureté absolue qui prit vite un caractère mystique, il avait condamné tout le théâtre de son temps, aussi bien la mise en scène réaliste d’Antoine que la mise en scène picturale des Ballets russes et leurs « orgies de couleurs ». Devant la fameuse formule: « Pour l’œuvre nouvelle, qu’on nous laisse le tréteau nu », faut-il évoquer saint Jean de la Croix ou l’art zen? Copeau se reconnaissait mieux en Appia qu’en Craig, qu’il finit par rencontrer l’un et l’autre en 1915. Sa passion pour la formation du comédien le poussa à lancer l’expérience des « Copiaus » en Bourgogne qui, comme celle du Vieux-Colombier, se termina par le retrait du « patron ».

Il est trop facile d’affirmer que Jacques Copeau s’en est toujours tenu à la transmission d’un théâtre-culture, au détriment de tout engagement politique. Plus sa quête avançait, plus le problème du public et du théâtre populaire lui semblait une urgence absolue, au point de mettre en scène ces grandes célébrations quasi liturgiques que furent Il Miracolo di Sant’Uliva à Florence en 1935 et Le Miracle du pain doré à Beaune en 1943. Depuis la fin de la guerre, il entretenait ses amis d’un projet de « comédie nouvelle » à base d’improvisation, de masques, de types fixes, de création collective – une sorte de commedia dell’arte nouvelle, plus liée à la réalité sociale que l’ancienne. En 1941, son essai-manifeste sur Le Théâtre populaire a souvent décidé de la vocation des pionniers de la décentralisation dramatique après la guerre. Après avoir dénoncé les dangers totalitaires du théâtre de masse, Copeau citait longuement « Le drame des bergers », imaginé par Jean Giono dans Le Serpent d’étoiles . On voit s’y esquisser le meilleur du courant spontanéiste de l’après-Mai-68 qui devait triompher au Théâtre du Soleil avec L’Âge d’or au milieu des années 1970. Dans Le Théâtre populaire , Copeau écrivait: « Le théâtre à venir sera marxiste ou chrétien. »

L’expressionnisme et le constructivisme

L’âge d’or de la mise en scène moderne atteint son apogée dans les années 1920 avec ces mouvements que l’on désigne sans simplification outrancière sous les noms de constructivisme en U.R.S.S. et d’expressionnisme en Allemagne. Cet âge d’or concerne les pays germaniques, les pays d’Europe centrale et la Russie d’Octobre. Il laisse presque de côté les pays anglo-saxons et méditerranéens. Aux prises avec l’héritage du Vieux-Colombier par le Cartel, la France occupe une place à part que l’on jugera en marge ou en retrait selon les partis pris.

En Allemagne, Max Reinhardt n’a cessé de côtoyer le courant expressionniste de 1910 à 1933. Mais, à partir de 1920, la recherche théâtrale allemande est dominée par les deux tendances de l’expressionnisme. La première tendance illustrée par Otto Reigbert (Tambours dans la nuit de Brecht, 1922) et Sievert (les mêmes Tambours dans la nuit en 1923) offre une vision déformée du monde avec le thème omniprésent de la ville tentaculaire et cauchemardesque. Des images composites sont animées d’une espèce de mouvement chaotique. La seconde tendance, représentée par Jessner et Pirchan (Othello , 1921), Stern (Le Mendiant de Sorge), Brunner (Penthesilée de Kleist), privilégie l’organisation de l’espace. Les deux tendances agissent d’une manière obsessionnelle sur la sensibilité du spectateur par les couleurs et les lumières. La scène devient le lieu où s’exprime l’inconscient, le refuge onirique de l’individu agressé par la société. On ne saurait séparer l’expressionnisme au théâtre de la peinture et du cinéma qui lui correspondent et qui élèvent à son plus haut niveau la créativité du génie allemand, au moment où les nazis se préparent à l’étouffer.

D’essence germanique, l’expressionnisme s’est aussi développé dans les pays d’Europe orientale qui n’en ont pas moins fait bon accueil au constructivisme dont le foyer central est l’U.R.S.S. des années vingt. Celui-ci ne résume pas seul le théâtre soviétique de l’époque révolutionnaire. Il donne cependant une extraordinaire impression de richesse, de créativité, de turbulence qu’on retrouve dans toute la vie culturelle de l’U.R.S.S. à cette époque. Mais il est aussi devenu une mode, un système auquel beaucoup se sont ralliés avec plus d’opportunisme que de conviction. Il a eu ses élèves appliqués, ses commissaires du peuple. Il a évolué sans s’assagir, dépassant ses excès mais non ses audaces. Aleksandr Tairov, Sergueï Eisenstein, Vladimir Fedorov, Georges Annenkov, Marc Chagall, metteurs en scène ou scénographes, parfois les deux, illustrent sa richesse. Mais, comme on l’a vu, c’est sans doute chez Meyerhold que le constructivisme a connu ses réalisations les plus remarquables.

Sur le plan de la scénographie en action, les metteurs en scène expressionnistes et constructivistes ont presque tout inventé.

Le Cartel

Auprès des superingénieurs de la grande machinerie constructivo-expressionniste, les metteurs en scène du Cartel (Dullin, Jouvet, Baty, Pitoëff), dans leurs petits théâtres vétustes, avec leurs pauvres moyens, font l’effet d’artisans de village. Ce serait pourtant céder à l’autodénigrement que de minimiser le rôle de ce groupe qui naît en 1927. Ce qui fait défaut aux hommes du Cartel, plus que l’audace créatrice, c’est l’accent prophétique des appels au théâtre à venir qui s’exprimaient chez Mallarmé, Romain Rolland, Firmin Gémier. Mais cet accent-là, on le trouve au début chez Jacques Copeau et à la fin chez Antonin Artaud, personnalités exceptionnelles grâce auxquelles la France domine à sa manière le mouvement théâtral contemporain. Le cri du tréteau nu, Charles Dullin le reprend: « Le plus beau théâtre du monde, c’est un chef-d’œuvre sur quatre tréteaux. » Les hommes du Cartel échappent à toute idée préconçue, à tout esprit de système pour ce qui touche aussi bien à la conception architecturale qu’au jeu de l’acteur, à la formation du comédien. Les deux fils spirituels, Jouvet et Dullin, s’efforcèrent d’échapper autant que possible à l’idéal de rigueur inhumaine propre à Copeau. Ils firent de leurs charmants théâtres désuets, l’Atelier pour Dullin, l’Athénée pour Jouvet, de modestes hauts lieux d’un art respectueux du texte, du comédien, du public. Jouvet se garda de reprendre à son compte le dispositif fixe qu’il avait conçu et réalisé pour le Vieux-Colombier de Copeau. Faire comprendre le message profond des textes, extérioriser les âmes, telle était pour eux la seule fonction de la mise en scène. Une bonne mise en scène est celle qui se fait oublier en mettant en valeur le verbe de l’auteur et le jeu de l’acteur. Mais Antoine Vitez devait voir plus tard en Jouvet « le premier metteur en scène de la nouvelle époque » en affirmant que « chacune de ses mises en scène est une œuvre, close comme une épitaphe ».

On peut reprocher un certain éclectisme aux hommes du Cartel. Ils ont échappé presque complètement à l’influence de l’expressionnisme et du constructivisme dont on retrouve un reflet atténué seulement chez Gaston Baty (1885-1952), tandis que Georges Pitoëff (1884-1939) fut reconnu comme un des siens par Gordon Craig pour ses admirables mises en scène de Hamlet (1920) et de Macbeth (1921).

Le prestige du Cartel fut immense auprès des grands metteurs en scène du monde entier. La rupture entre Copeau et Jouvet fut vécue par eux comme un drame majeur du théâtre moderne. Lors de sa première visite à Paris, Stanislavski posa abruptement la question à Jouvet: « Pourquoi avez-vous quitté Copeau? » Trente ans plus tard, aux funérailles du « patron », le même Jouvet confiait à Dullin: « Vois-tu, nous avons porté toute notre vie le deuil du Vieux-Colombier. »

Artaud et Brecht

Le stalinisme en U.R.S.S., le nazisme en Allemagne ont tué pour un temps le dynamisme de la recherche théâtrale dans ces deux pays qui en avaient été les phares. Après la Seconde Guerre mondiale, le monde du théâtre fut témoin de la banalisation de deux formes de doctrine révolutionnaire élaborées dans l’immédiat avant-guerre dont l’une, celle du Français Antonin Artaud (1896-1948), était restée purement théorique, tandis que l’autre, celle de l’Allemand Bertolt Brecht (1898-1956), trouvait paradoxalement dans la stalinienne R.D.A. les conditions de sa concrétisation du vivant de son promoteur.

En 1954, au premier festival de Paris, les spécialistes du monde entier découvrirent le Berliner Ensemble, qui réalisait la rencontre d’une œuvre dramatique géniale, d’une théorie novatrice de la mise en scène et du travail concret d’une troupe créant des spectacles admirables par leur rigueur et leur perfection formelle, sous la direction d’un homme-orchestre qui était à la fois auteur, théoricien et metteur en scène. Par la suite, les disciples de Brecht, en France particulièrement, furent souvent plus doctrinaires que le maître, et la vogue du brechtisme paralysa, aux yeux de beaucoup, le mouvement théâtral. Brecht visait à concilier beauté formelle et contenu idéologique tant au niveau de l’écriture dramatique qu’à celui de l’écriture scénique, c’est-à-dire de la mise en scène. Les suiveurs ne retenaient souvent que le second impératif.

Issu des milieux surréalistes, Artaud n’était pas étranger au souci politique mais n’en fit jamais son souci majeur. Acteur et poète, insatisfait du travail accompli en compagnie du Cartel, supplicié par sa propre existence, il proclama très fort, dans une série de manifestes dont l’ensemble devait constituer le corpus du Théâtre et son double , la primauté de la mise en scène sur le texte et la nécessité pour le théâtre de provoquer chez le comédien comme sur le public un choc émotionnel profond touchant le corps et l’esprit. Il voulut changer la vie par le théâtre et faire de celui-ci « l’équivalent des dogmes auxquels nous ne croyons plus ». Il donna donc une forme oraculaire sans réussir jamais à conférer une existence réelle au « théâtre de la cruauté », dont le cri paroxystique traverse tout Le Théâtre et son double . Son discours prophétique dut opérer un long cheminement souterrain dans les laboratoires de l’après-guerre avant de devenir un lieu commun de la nouvelle avant-garde après Mai-68. À cette époque, Peter Brook, déjà en passe de devenir un pilier de la mise en scène moderne, entreprit un moment de faire la synthèse entre le théâtre épique de Brecht, essentiellement fidèle au matérialisme dialectique, et le théâtre de la cruauté d’Artaud, qui renouait avec l’esprit magique. Le célèbre Marat-Sade de Peter Weiss, dans une version cinématographique (1966), concrétisa cette tentative.

Notre temps

L’âge d’or de la mise en scène touche à sa fin au début des années 1950. Par une sorte de paradoxe, il s’achève avec l’explosion de trois actions révolutionnaires qui vont retentir sur toute cette décennie: le théâtre épique (dramaturgie et scénographie) de Brecht, le Bayreuth de Wieland et Wolfgang Wagner, la mise en scène vilarienne à Avignon et à Chaillot. Trois événements considérables et de signification divergente, voire opposée, mais qui se complètent en s’opposant. Avec le recul, on peut reconnaître dans le réalisme de Brecht une reprise dialectique de celui d’Antoine et de Stanislavski, en réaction aux tendances abstraites de la mise en scène issue d’Appia et de Craig dont les recherches de Wieland Wagner s’inspirent pour mettre fin à la glaciation de l’opéra wagnérien renforcée par la période nazie. Enfin, Jean Vilar (1912-1971) radicalise le tréteau nu de Copeau en l’enrichissant par le projet, unique en son genre, d’engager démocratiquement le spectateur-citoyen dans l’acte théâtral, sans affaiblir pour autant la beauté formelle du spectacle. Or ce projet vilarien ne tarda pas à être contesté de l’intérieur par ses propres amis (la revue Théâtre populaire ) au nom du réalisme épique de Brecht qui assigne au théâtre la tâche de représenter le monde, de critiquer le réel, de diviser les consciences.

En France, après la Libération et jusqu’au début des années 1960, l’activité théâtrale a été dominée par Jean-Louis Barrault (1910-1994) et par Jean Vilar, Raymond Rouleau (1904-1981), le metteur en scène de Huis clos , s’étant pour sa part cantonné au rôle de metteur en scène au service des uns et des autres sans jamais se lancer dans une aventure comparable à la leur. Jean-Louis Barrault, éternel migrant, fortement marqué par le surréalisme d’Antonin Artaud, a inauguré chacune de ses grandes navigations théâtrales de 1946 à 1980, par un des chefs-d’œuvre de Paul Claudel auquel son nom reste à jamais lié. Entre Jean-Louis Barrault et Jean Vilar, anciens de l’atelier Dullin, a régné une camaraderie de bon aloi mais sans véritable rencontre sur le plan de la création. On a toujours opposé l’éclectisme élégant de Barrault au jansénisme républicain de Vilar. Autour de leur dialogue de sourds sont nés et se sont développés les deux phénomènes majeurs de cette époque, la dramaturgie nouvelle des petits théâtres connue sous le nom de « théâtre de l’absurde » et la décentralisation dramatique en province. La rencontre entre ces deux phénomènes n’a pas eu lieu non plus, ou du moins elle est venue trop tard. La mise en scène du théâtre de l’absurde s’est faite sans moyens, sous la direction de nouveaux venus comme Roger Blin (1907-1984) et Jean-Marie Serreau (1915-1973), formés dans les quelques groupes d’avant-garde d’avant guerre, parfois très politisés, comme le groupe Octobre. À l’opposé, les pionniers de la décentralisation, Hubert Gignoux (né en 1915), Jean Dasté (1904-1994) et les autres ont plutôt puisé leur inspiration chez Copeau et au Cartel avant de se soumettre, tous plus ou moins, à l’impératif catégorique brechtien. Roger Planchon (né en 1931) devint alors à Villeurbanne le chef de file d’une génération de metteurs en scène qui ne devait rien à Copeau ni au Cartel. Trop vite catalogué brechtien par son besoin de donner un sens politique à son travail, Roger Planchon s’est rendu célèbre par ses mises en scène des pièces de Shakespeare (Henri IV , 1957) et de Molière (George Dandin , 1958; Tartuffe , 1962) avant de se convertir, sous l’influence de l’Américain Robert Wilson, à un théâtre de l’image, plus onirique et plus baroque.

Jusqu’à Roger Planchon, le théâtre français était resté peu perméable aux influences étrangères. Les troupes voyageaient peu, à l’exception de la Comédie-Française, de la Compagnie Barrault-Renaud et du T.N.P. de Vilar dont les tournées en Amérique, en Europe de l’Est et au Japon connurent de véritables triomphes.

À leur tour, les compagnies étrangères visitèrent la France. Paris devint un carrefour international du théâtre, grâce au Théâtre des nations qui révéla le Berliner Ensemble, l’Opéra de Pékin et toutes les formes de théâtre à travers le monde, et au festival de Nancy, créé en 1963 par Jack Lang, qui familiarisa le public avec tous les visages de l’avant-garde la plus moderne; ainsi furent mieux connus en Europe que sur leur terre originelle le Living Theatre, le Bread and Puppet Theatre, l’Open Theatre et les autres troupes du Nouveau Théâtre américain autour de 1968. Le choc produit alors a mis du temps à s’atténuer. Car ces manifestations contribuèrent à imposer l’autonomie de la mise en scène au détriment du texte comme création spécifique d’images vivantes où les scénographies, les masques, la musique, l’expression corporelle, les marionnettes de toutes dimensions jouaient le premier rôle. On assistait à d’extraordinaires festivals dont les metteurs en scène étaient les stars, bientôt suivis des décorateurs-scénographes, puis des créateurs d’éclairage.

Fondé en 1947 par Giorgio Strehler (né en 1921) et Paolo Grassi (1919-1981), le Piccolo Teatro de Milan avait commencé à venir jouer à Paris dès sa naissance. Giorgio Strehler combinait la leçon de Copeau avec celle de Brecht. En créant un répertoire où dominaient Brecht, bien sûr, mais aussi Goldoni et Tchekhov, il fut le véritable maître de la nouvelle pléiade de metteurs en scène surgis au début des années 1960 à la suite de Roger Planchon: Ariane Mnouchkine (née en 1939) et son Théâtre du Soleil, Patrice Chéreau (né en 1944) à l’époque du Théâtre national de Sartrouville, Jean-Pierre Vincent (né en 1942). Seuls, peut-être, Bernard Sobel (né en 1936) et Antoine Vitez (1930-1990) ont tenté de se frayer une voie à part. Giorgio Strehler avait, lui, plus de rivaux en Italie que de disciples fervents: Visconti au début, puis Luca Ronconi (né en 1933), Dario Fo (né en 1926), Carmelo Bene (né en 1937), plus doués que lui pour la provocation et le scandale.

En Angleterre, l’activité théâtrale connaissait un renouveau grâce à la Royal Shakespeare Company qui sortait le jeu shakespearien de sa torpeur, au Workshop qui s’inspirait de Vilar, au Royal Court Theater voué à la mise en valeur d’un répertoire nouveau. L’un des créateurs de la Royal Shakespeare Company, Peter Brook (né en 1925), affirma son originalité en allant plus loin dans l’audace shakespearienne et finit par s’installer à Paris, aux Bouffes du Nord, d’où ses grandes réalisations ont rayonné à travers le monde: Timon d’Athènes (1974), La Cerisaie (1981), Carmen (1981), le Mah bh rat (1985), La Tempête .

En Allemagne, dix ans après la mort de Brecht, le Berliner Ensemble restait la plus prestigieuse entreprise de théâtre au monde. Selon Heiner Müller (1929-1995), qui en avait été le dramaturge (au sens allemand) appointé, le Berliner Ensemble a perdu sa raison d’être en se repliant sur lui-même et n’a pas résisté à la réunification des deux Allemagnes. Traditionnellement, le dramaturge assiste le metteur en scène dans ce pays qui compte le plus grand nombre de théâtres fixes et de subventions. Dramaturge de plateau ou dramaturge-conseiller littéraire, son importance fut grande à l’époque nazie, quand les autorités voyaient en lui le garant de l’idéologie. Produit de la bureaucratisation du théâtre, le dramaturge a vu sa fonction renforcée par le pouvoir stalinien en R.D.A. d’abord, puis dans l’ensemble des pays socialistes, et même dans les démocraties occidentales sous l’influence du brechtisme. Le jour où la mise en scène est devenue l’exécutante de la dramaturgie et du travail à la table, la paralysie du théâtre en Allemagne devenait un fait accompli. Le Berliner Ensemble, la Volksbühne et même la Schaubühne, longtemps dirigée par Peter Stein (né en 1937), sont entrés en crise – une crise que la réunification de l’Allemagne a encore avivée. Les plus grands metteurs en scène du monde germanique, comme Luc Bondy, Jean-Pierre Ponnelle, Klaus Michael Grüber, Matthias Langhoff, Beno Besson, font principalement carrière au-delà des frontières de leur pays.

2. L’espace scénique

Se définissant comme science de la perspective attachée avant tout à la composition picturale et au théâtre, la scénographie traditionnelle, de la Renaissance à la fin du XIXe siècle, a eu partie liée avec le théâtre à l’italienne qui, vers 1880 encore, semblait un modèle définitif et immuable. Durant toute cette période, la scénographie se confond avec la science du décor de théâtre: décor en trompe l’œil dépendant de la plastique scénique dont l’évolution est inséparable de celle des autres arts, surtout de la peinture. La scénographie moderne commence avec la critique plus ou moins radicale de la théâtralité italienne et de la scène illusionniste que celle-ci engendre directement. À partir de là, elle ne concerne plus seulement la science du décor mais l’élaboration de l’instrument théâtral tout entier (que le scénographe cherche à réinventer), le type de rapport entre l’espace de l’acteur et l’espace du spectateur propre à l’amphithéâtre grec, à l’éperon élisabéthain, au pont japonais, qu’il médite sur les principes du cube (théâtre frontal) et de la sphère (théâtre total) ou qu’il anticipe sur le réel en inventant, à titre de rêve architectural, l’édifice du théâtre à venir.

Du point de vue d’un moderne, le dispositif italien est entaché de deux vices originels: la scène, avec sa structure cubique et close, boîte d’illusion, dont les images en trompe l’œil sont censées reproduire les fantasmes du spectateur-voyeur; la salle, avec son ensemble de structures compartimentées et hiérarchisées en loges et balcons, accusée d’emprisonner et de séparer le public selon les normes d’une société de classes conçue comme immuable.

C’est à ces deux principes que la scénographie moderne va s’en prendre. Dans sa démarche, il faut faire la part des mouvements idéologiques et des modes intellectuelles. Le caractère fantasmatique, voyeuriste, somnambulique de la scène italienne en fait un modèle négatif pour les « marxo-brechtiens », un modèle positif pour les « freudiens » qui parlent de la « scène du rêve », un modèle ambigu, enfin, pour les « marxo-freudiens » qui poussent la théâtralité à l’italienne jusqu’à l’hyperbole, l’obligeant à se démasquer en passant de l’autre côté du miroir, le fameux quatrième mur. L’un des paradoxes du mouvement scénographique moderne est qu’il finit par donner l’impression de n’abolir la théâtralité à l’italienne que pour avoir à la réinventer. C’est ici toute l’ambivalence du rapport que l’homme moderne entretient avec son imaginaire individuel et social qui est en cause.

Les débuts

Dès 1876, dans son récent Festspielhaus de Bayreuth, Wagner demeure prisonnier de la peinture académique. En éteignant la salle pour concentrer l’attention du public, il va dans le sens des modernes, mais le décor de ses opéras n’a pas renoncé à la surcharge, plus proche de Meissonnier que de Manet.

Antoine fut le premier à comprendre la nouveauté révolutionnaire de l’éclairage électrique, capable de mettre à nu les trucages de la toile peinte. L’illusion scénique doit naître d’une harmonie sans faille entre l’acteur et le décor, sans bric-à-brac. Avec Antoine et Stanislavski, le décor naturaliste, imitation intégrale des apparences, achève de séparer les acteurs sur la scène et les spectateurs dans la salle à l’abri du cadre de scène, du rideau rouge et de la rampe qui atteignent leur maximum de sens. Le décor illusionniste excluait l’acteur, la scène illusionniste exclut le spectateur. La scénographie moderne n’a cessé de lutter contre cette double exclusion.

Or le décor naturaliste reparaît périodiquement chaque fois que l’exigence réaliste se fait sentir. On a souvent opposé le réalisme « vulgaire » d’Antoine au réalisme « dialectique » de Brecht. Mais il n’y a pas de différence essentielle entre certains décors de l’époque naturaliste et d’autres plus récents dus aux post-brechtiens. Les ruisseaux d’eau véritable, la soupente en sapin, les toits de vraie paille des décors d’Antoine et de Stanislavski ont trouvé leur équivalent dans des décors vantés du nouveau réalisme théâtral.

Le décor pictural

Le refus de l’académisme s’est exprimé au théâtre en accord avec les mouvements successifs de la peinture moderne. Au nom de la nécessaire collaboration des arts, un appel est lancé du Théâtre d’art par Paul Fort, repris par Lugné-Poe, en Allemagne par Max Reinhardt, en Russie par Meyerhold. Cet appel toucha en France surtout les nabis et leurs amis, Sérusier, Bonnard, Vuillard, Toulouse-Lautrec. Passionnés de couleur mais aussi soucieux de forme, ces artistes assignèrent au décorateur de théâtre une tâche de dépouillement et de stylisation symbolique. Le mot d’ordre de l’époque est: « La parole crée le décor comme le reste. » La réalisation la plus marquante en fut offerte en 1896 par le décor unique d’Ubu roi , au théâtre de l’Œuvre, auquel collaborèrent les principaux nabis. Vers 1910, un équilibre dans le goût français fut atteint par Jacques Rouché au Théâtre des arts et par son principal décorateur, Maxime Dethomas, dans la scénographie du Carnaval des enfants (Saint-Georges Bouhélier).

Entre-temps, néanmoins, le grand choc avait lieu en 1905 avec les Ballets russes et ce que les contemporains ont nommé leurs « symphonies colorées », leurs « orgies de couleurs » dans une fête des sens où la joie des images peintes accompagnait celle de la musique et de la danse; Bakst travaille à Shéhérazade et à L’Après-midi d’un faune , Benois à Petrouchka . Déjà, certains dénonçaient la mainmise des arts plastiques sur le théâtre, et Meyerhold découvrait que le centre du prodige théâtral était le corps de l’acteur, donc une statuaire vivante.

La scène architecturée

Jusque-là, aucun changement radical n’est intervenu. Le décor des peintres résout le problème du décor illusionniste en niant la perspective et le volume en trompe l’œil. Il ne remet pas en question la scène frontale, et celle-ci ne doit sa liberté relative qu’aux couleurs. Quant à l’acteur, il se trouve intégré au décor, plutôt noyé dans le chatoiement des couleurs par son costume et son maquillage aux teintes criardes. Pour rethéâtraliser le théâtre, il fallait tôt ou tard contester le principe du décor peint lui-même. Appia et Craig s’en chargèrent sur des bases résolument conventionnelles et symboliques. Ils découvrirent l’un et l’autre les infinies possibilités de la lumière à laquelle l’électricité avait conféré puissance et souplesse. Denis Bablet parle à leur propos de « fonctionnalisme lumineux ». Une géométrisation fonctionnelle fait de la scène un espace construit où règne le volume géométrique. Le décor peint fait place au décor architecturé et le châssis peint au praticable qui sert de support à l’acteur aux différents niveaux d’un espace illimité circonscrit par le cyclorama.

La scénographie d’Appia culmine dans ces « espaces rythmiques » que lui inspira, en 1909-1910, sa collaboration à l’école de rythmique de Jacques Dalcroze. Ce sont des compositions de plans, pentes, colonnes, degrés et paliers où l’ombre lutte avec la lumière et qui font du corps humain la mesure de l’espace scénique. Appia conçoit alors sa fameuse hiérarchie acteur-espace-lumière-couleur dont on retrouve l’équivalent dans la définition que Craig donne du théâtre: « Le geste qui est l’âme du jeu; les mots qui sont le corps de la pièce; les lignes et les couleurs qui sont l’existence même du décor; le rythme qui est l’essence de la danse. » Les recherches de Craig le conduisirent à faire coexister deux types de scènes d’apparence contradictoire: la scène architecturée fixe et la scène architecturée mobile correspondant à la dualité fondamentale du théâtre, théâtre durable et théâtre périssable.

L’impossibilité où il furent l’un et l’autre de passer à l’acte, Appia parce qu’il se heurta jusqu’au bout au refus de Cosima Wagner, Craig parce que seul Stanislavski lui offrit l’occasion de mettre en scène Hamlet , les poussa à critiquer en son principe même le système traditionnel, à mettre en continuité la scène et la salle par la suppression du cadre et de la rampe, puis à faire avancer un podium dans le public, à rêver enfin d’un espace totalement homogène englobant le public dans le jeu. Appia sembla même évoquer la possibilité d’abolir les statuts respectifs de l’acteur et du spectateur en faisant d’eux les participants d’une fête-théâtre fondée sur la création collective. Cette vision utopique autorise Denis Bablet à écrire que « nous construisons aujourd’hui la salle dont Appia rêvait ».

L’âge d’or de la scénographie dont il a déjà été question concerne toute l’Europe. En Allemagne, Max Reinhardt, de 1910 à 1933, a pratiqué un théâtre de masse dans les cirques, les églises et sur le parvis des cathédrales, comme Firmin Gémier en France. Œdipe roi , mis en scène au cirque Schumann de Berlin en 1910, et Le Miracle , pour lequel il transforma, en 1911, l’Olympia Hall de Londres en une immense cathédrale avec ses vitraux éclairés du dehors qui entouraient les gradins du public construits autour d’une longue piste de jeu rectangulaire, ont longtemps habité l’imagination des apôtres du théâtre populaire, plutôt à la manière des scénographies ouvertes et englobantes de L’Âge d’or au Théâtre du Soleil qu’à la manière sobre et austère de Jean Vilar dont les dispositifs scéniques ont été parfois anticipés dans les années 1920 par ceux de Jessner en Pologne.

Dans l’Allemagne expressionniste, les décors fragmentaires, les images composites, les mouvements chaotiques sont amplifiés par les éclairages contrastés qui créent des clairs-obscurs à la Rembrandt et projettent des ombres démesurées.

En U.R.S.S., le constructivisme a eu ses virtuoses du filin, de l’échelle, des tubulures qui ont fait école par la suite partout dans le monde. À l’époque des échafaudages a succédé celle des panneaux glissants. Dans ses ultimes réalisations, l’introduction dans les fameuses « machines à jouer » d’objets de la vie quotidienne isolés de leur contexte tempère ce que le constructivisme a de trop systématique, créant parfois une tension féconde entre l’abstraction pure et le naturalisme intégral. Personne ne sait très bien aujourd’hui en quoi consistait la fameuse bio-mécanique de Meyerhold, qui visait peut-être à traiter les machines comme des humains et ceux-ci comme des machines à travers les rapports et les mouvements qui concernaient au premier chef l’acteur. Dans son esthétique théâtrale, Meyerhold a toujours pris le contre-pied du réalisme stanislavskien sans rompre avec l’amitié de son grand aîné. Toute l’évolution du constructivisme est contenue dans la sienne propre, qui atteint son apogée entre Le Cocu magnifique de Crommelynck, avec sa fameuse « machine-outil » (1922), et Le Revizor de Gogol (1926), avec ses quinze portes praticables prises dans un panneau d’acajou qui ouvre la voie à une nouvelle forme de réalisme.

En France, marqué par sa rencontre avec Appia, Jacques Copeau commence par récuser aussi bien la scénographie du Théâtre-Libre que celle des Ballets russes. Il entend arracher le théâtre au mercantilisme et au cabotinage par le retour à l’œuvre essentielle et au tréteau nu. Celui-ci trouva sa forme accomplie dans la célèbre scène architecturée fixe construite en 1920 pour le Vieux-Colombier à la demande de Copeau.

Quand il fut en mesure de tenter sa propre aventure dans son propre théâtre, Louis Jouvet renonça sans mal à reconstruire le dispositif fixe de Copeau. Les hommes du Cartel revinrent sans violence à la scène italienne où, désormais, praticables et châssis vont s’équilibrer comme pour un compromis entre la scène machinée et la scène architecturée dans le cadre inspiré du théâtre à l’italienne. La modernité modérée du décor français de l’entre-deux-guerres est illustrée par la scénographie d’André Barsacq pour Volpone dans la mise en scène de Charles Dullin (1928). Mais le plus grand décorateur français du demi-siècle est sans doute Christian Bérard (1902-1949) que Jean Cocteau présenta à Louis Jouvet. Cette rencontre arrache Bérard au « style grand couturier » qui caractérisait ses décors de ballets, et elle aboutit à ces merveilles d’équilibre, de charme et de fonctionnalité que furent les décors de L’École des femmes (1936) et de La Folle de Chaillot (1947). Les deux lustres descendus des cintres et le mur ouvrant du verger d’Arnolphe, à la limite du maniérisme, symbolisaient en permanence l’artifice théâtral dans la comédie « humaine » de Molière.

Un espace éclaté

La vogue croissante des esthétiques expressionnistes et constructivistes magnifiées par la mémoire, la redécouverte du mythique « théâtre de la cruauté » d’Artaud, la crise du marxo-brechtisme, le spontanéisme libératoire de l’après-Mai soixante-huitard, une libération fantasmée plus que vécue de l’imagination ont achevé de mettre à mal les données séculaires du théâtre occidental déjà minées par l’avant-garde des années 1950. L’œuvre sacrifiée au spectacle, le texte à la mise en scène, au jeu, le texte est disloqué, éclaté, aboli même, occulté comme dans Le Regard du sourd (1971) de Robert Wilson (né en 1941), et plus encore dans les spectacles qui suivent (A Letter for Queen Victoria , 1974; Einstein ou the Beach , 1976). Il est réinventé dans 1789 , ou improvisé comme dans L’Âge d’or (1975) au Théâtre du Soleil, utilisé comme matériau de base pour une création d’images en mouvement comme dans Orlando Furioso (1969) de Ronconi, ou comme support pour le jeu de l’acteur comme dans Catherine (1975) d’Antoine Vitez, d’après Les Cloches de Bâle d’Aragon. Les créateurs de ces spectacles ont poursuivi leur carrière dans un système de circulation internationale lié à l’économie de marché. Robert Wilson, Jerzy Grotowski, Tadeusz Kantor, Peter Brook, Giorgio Strehler, le Théâtre du Soleil sont aussi devenus des valeurs, par certains côtés des marchandises sûres, plus ou moins luxueuses. Il s’agissait alors de faire théâtre de tout, de faire théâtre partout dans des mises en scène qui mariaient avec plus ou moins de bonheur minimalisme et démesure baroque. Des jeunes compagnies, des animateurs modestes jouant ou sur la disparition de la boîte d’illusion à l’italienne ou sur sa magnification imposaient leur propre création d’images en liberté: Le Chêne noir de l’Avignonnais Gérard Gelas (né en 1947) et ses liturgies tristes, Daniel Mesguisch (né en 1952) et ses maniérismes. De cet éclatement, cette dispersion, cette confusion où aucun courant force n’émergeait, qui surexploitaient certaines formules du passé, de Craig, des expressionnistes, des constructivistes, et qui continuent parfois sur leur lancée, il reste des images, des machines à jouer, toujours liées à ce qu’on n’ose plus appeler des décors, des scénographies au vrai sens du mot, des créations où l’invention du metteur en scène fait corps avec la créativité de son scénographe et de son « créateur de lumières ».

Cette époque a été marquée par les chantiers de maçonnerie, menuiserie et ferronnerie, ouverts par Guy-Claude François (né en 1940) pour les scénographies où se sont inscrites depuis quinze ans les dramaturgies chorégraphiques orientalisantes inspirées par Shakespeare, l’Inde et Eschyle à Ariane Mnouchkine ; par les harmonies en blanc inventées par Luciano Damiani puis par Ezio Frigerio (né en 1930) pour les lumineuses mises en scène de Goldoni, Pirandello et Shakespeare par Giorgio Strehler; par les architectures oniriques dressées par Richard Peduzzi (né en 1943) pour les mises en scène de Patrice Chéreau et par Yannis Kokkos (né en 1944) pour celles d’Antoine Vitez.

Denis Bablet a donc eu raison de souligner le fait que le rêve scénographique moderne se réalise de plus en plus souvent grâce à des équipes stables, puisque aux équipes déjà citées il faut ajouter les couples Vilar-Gishia, Brecht-Neher, Planchon-Allio... Quelques réussites mémorables ont été réalisées avec les tentures virevoltantes de Richard II au Théâtre du Soleil (1982), les forêts de la nuit dans le cadre rouge et or de La Dispute de Chéreau (1973), les pluies de feuilles mortes sur La Cerisaie en blanc de Strehler (1976), les fleuves de feu du Mah bh rat de Peter Brook dans la carrière de Boulbon (1985).

Dans la scène italienne classique, le décor en trompe l’œil criait son refus de la corporéité vivante de l’acteur et repoussait hors de sa portée le public de la salle. La première révolution scénographique avait consisté à intégrer l’acteur au décor. Nous sommes peut-être en train de vivre la seconde qui consisterait à y faire aussi pénétrer le public. Pour y parvenir, il aura fallu passer par le sublime appauvrissement de Vilar et le néo-réalisme de Brecht, l’un et l’autre agissant, comme Ariane Mnouchkine, au nom d’un théâtre politique toujours à naître. Les enragés de la modernité ont d’abord cru que cette naissance exigeait comme condition préalable la mort de la scénographie italienne. Celle-ci a plus d’une ruse dans son manteau d’Arlequin. Elle s’escamote en coulisse pour reparaître à l’avant-scène, s’éteint avec les feux de la rampe pour se rallumer aux cintres, condamnant l’homme de théâtre à servir deux maîtres à la fois, comme l’immortel bouffon bergamasque.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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